The Artist of the communication ?
Encore un article sur The Artist ? Nous n'en avons pas assez parlé ? Oui je vous l'accorde. Impossible de passer à côté de cette actualité. Cependant, comparé aux autres médias, mon article porte sur l'évolution des campagnes de communication de The Artist, notamment à travers ses affiches. The Artist est ressorti en salles (depuis le 25 janvier) et une campagne de communication autour de ses récompenses a été mise en place. Selon moi, malgré le fait que de nombreuses personnes sont et iront voir ce film dans les prochains jours, cette campagne de communication dénature l'esprit même du film. Pour ceux qui ne connaissent pas les dernières affiches (postées dans les métros parisiens, marseillais et rennais), ne vous inquiétez pas elles seront analysées et critiquées au fur et à mesure de l'article.
J'ai vu le film (en octobre 2011) quelques jours après sa sortie, avant les récompenses et l'intérêt des médias pour ce film en noir et blanc. Film audacieux, moderne, captivant; acteurs au sommet de leur art; un réalisateur qui ose, prend des risques. Cet article n'a donc pas pour but de descendre The Artist (au contraire je vous incite à aller voir ce chef-d'oeuvre), qui n'a pas usurpé toutes ses récompenses. Non, c'est plutôt le regret d'un fan (je suis un inconditionnel de Michel Hazanavicius et Jean Dujardin) qui remarque une campagne de communication en totale opposition avec les valeurs que véhiculent ce film.
Trop d'informations détruit l'Information
L'histoire de The Artist est extraordinaire. A l'ère de la 3D, sortir un film muet, en noir et blanc relève d'une audace osée et d'une innovation extraordinaire. 35 jours de tournage, 12 millions d'euros de budget qui aboutissent à 47 nominations pour 52 prix ! Pourtant The Artist a bataillé afin de figurer en tant que lauréat au Festival de Cannes! C'est le début d'une magnifique histoire dont on connaît le résultat. Quelles sont les valeurs de ce film? Audace, simplicité, différence, silence. Un budget ridicule, des acteurs inconnus (mondialement) et ne pouvant utiliser que leurs corps pour communiquer, captiver le spectateur. L'histoire de The Artist traite du début du cinéma, loin du "bling-bling" des blockbusters américains.
Sa première affiche (voir ci-dessus) est très sensuelle. On y voit, plongés dans le regard l'un de l'autre, Bérénice Béjo et Jean Dujardin. Quelques mois plus tard, une nouvelle affiche apparaît (voir à droite) pour la (re)sortie de The Artist. Le minimalisme, la simplicité de la précédente opération de communication a disparu. Il faut dire que le film a collectionné les récompenses et nous avions appris sa nomination aux Oscars. Le changement est radical. Il n'est plus question d'attirrer le spectateur par les valeurs du film, mais par les récompenses qu'il a obtenu! Le silence (valeur et origine du film) n'est plus présent sur l'affiche. En témoigne au dessus des protagonistes, des écriteaux dorés (De retour dans les salles, Meilleur film, Meilleur Acteur, Meilleur musique) ou immenses (Le film qui enchante l'Amérique). Surtout, comparé à la première affiche, les deux acteurs nous regardent et nous tendent la main. Incitation, publicité grossière envers le public afin qu'il assiste à la projection du film. A l'inverse de la première affiche qui souligne la complicité de Dujardin et Béjo. De plus leur pose signifie t-elle: "Merci à vous pour toutes ces récompenses" ou bien "Venez voir le film récompensé aux Golden Globes" ? La réponse est ambiguë.
Le problème de l'affiche: notre regard est immédiatement attiré par les écriteaux, puis par les acteurs. Quant au titre du film, et encore plus la date de sortie, ils paraissent invisibles ! Dans la première affiche, le titre blanc était bien visible puisqu'il contrastait bien avec le noir ambiant, mystérieux. Dans la seconde, le titre, ainsi que l'esprit du film sont noyés. On préfère désormais mettre en avant le "bling-bling" (les récompenses, les bonnes critiques) au lieu de rester dans les origines du film: un hommage à l'ancien cinéma où la performance prime. Il aurait été plus intelligent de rester dans cette ligne directrice, les médias assurant le relais de la communication au niveau de l'actualité de The Artist (Oscars, Cesars, Golden Globes, Baftas...). Ainsi la nouvelle affiche aurait été épurée (écriteaux plus discrets, acteurs moins dans une pose de triomphe), l'ancienne aurait même pu être réutilisée !
The Artist: Le syndrome du Pauvre
Voici les dernières affiches de The Artist, sorties après la cérémonie des oscars. La première (la plus à gauche) résume parfaitement, voire à l'excès, ce que j'ai dit précédemment. On y voit Jean Dujardin écrasé par cette énumération sans fin des récompenses et des nominations glanées par le film. Vu leur nombre extrême (47 nominations et 52 récompenses) il semble inconcevable de toutes les placer sur l'affiche! Où donner de la tête ? Le titre est invisible et les éléments qui ressortent sont: Triomphe, Le film de l'année, Oscar 2012 Meilleur film... N'est-ce pas trop prétentieux pour un film qui, à la base, est le porte-parole d'une simplicité (économique et de réalisation) étonnante ? Tous sont en lettres dorées, couleur du prestige, des récompenses; couleur de la réussite, de richesse. Le succès est-il monté a la tête de The Artist ? Au vu de cette affiche: oui. Jean Dujardin nous semble loin, comme intouchable (comparez aux autres affiches le changement est effarant !). Comme le pauvre qui devient riche, The Artist exhibe ses nouvelles dorures, démontre son changement de statut. Ce n'est plus un film audacieux, d'une rare qualité que l'on vante; mais LE premier film français autant récompensé avec LE premier acteur français couronné aux Oscars. Vous l'aurez remarqué, Jean Dujardin est seul sur cette affiche (la seconde avec Bérénice Béjo n'est pas toujours à côté et vice versa), qui plus est entouré de lumière et dans une position de victoire. L'histoire de cet acteur est merveilleuse: passer de Brice de Nice, OSS 117, Un Gars Une Fille aux Oscars. Pourtant cette affiche nous le rend arrogant, orgueilleux... tout comme The Artist.
La seconde affiche avec Bérénice Béjo est plus épurée. En fait elle représente une publicité pour 20 Minutes (partenaire de The Artist). Et cela se voit un peu trop. Un commentaire de 20 Minutes (Muet d'émotion), Bérénice Béjo qui lit 20 Minutes dont la une et la dernière page est consacrée à The Artist. Forme d'auto-congratulation. La communication n'aurait t-elle pas pu être plus fine? J'aurai trouvé plus intelligent une affiche où le quotidien gratuit se ferait plus discret. Utiliser le style, reprendre le concept de The Artist pour faire parler de soi est intelligent (The Scratist , The Grattist , The Poirtist , Bref). Utiliser le film, les acteurs de The Artist (surtout aussi grossièrement) pour générer le buzz l'est moins ! Car de cette affiche, normalement (ou plutôt soi-disante) faite pour The Artist, ce qui ressort le plus est la critique de 20 Minutes et le journal. Tout comme Jean Dujardin, Bérénice Béjo est reléguée au second plan de l'affiche. Or le succès du film repose sur le producteur, le réalisateur et surtout les acteurs. Publicité, récompenses ne sont que conséquences de leurs performances et se doivent d'être plus discrètes (au moins des acteurs!) sur les affiches.
Le "bling-bling" de ces affiches vient t-elle du fait qu'elles ont été concoctées par Warner et 20 minutes ? Les producteurs du film ont-ils eu leur mot à dire ? En tout cas, la campagne de communication de The Artist n'arrive pas à la cheville du film, et serait même... son talon d'Achille.